Massaja
Lettere

Vol. 4

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Al padre Bruno Sibelin da Vinay OFMCap.
ministro provinciale di Francia – Lione

[F. 1r]Mon Très Révérend Père

Litché (Chowa) 25 8.bre 1869.

Je vous adresse quelques lignes seulement, en vous expédiant des lettres du Père Vice-Préfet. Il me les a laissées à son dernier voyage à Litché, où nous avons passé une semaine ensemble.

Nous vivons ici dans la plus complète ignorance des événements de l’Europe, et il paraît que l’Europe est aussi dans la même ignorance de ce qui se passe dans nos contrées. C’est ce que je conclus d’une lettre que le P. Alphonse m’écrivit d’Aden au mois de Mars dernier et que j’ai reçue ces jours-ci.

[F. 1v] Depuis Pâques jusqu’au mois de Juin trois courriers ont été expédiés vers la côte. J’espère donc que vous avez reçu au moins quelques unes de nos lettres, et que vous êtes tranquille à notre sujet.

Les affaires de la Mission marchent lentement, mais elles vont bien. Les hérétiques commencent à nous faire la guerre dans le Chowa, sans toutefois qu’il en soit résulté jusqu’ici de notables désagréments, sauf un peu d’ascendant qu’ils ont pris sur le Roi; ce qui est cause qu’il nous traite avec moins de familiarité qu’auparavant. Ce mauvais résultat est dû à l’arrivée du nouvel Evêque hérétique du Tigré: mais Dieu nous protège. Pour les hérétiques, tous les moyens sont bons: ils se croient [f. 2r] permis de practiser avec le vice, et de bénir même ceux qui veulent appartenir au démon. Ils gagnent ainsi ou conservent ceux qui ne veulent se soumettre aux sacrifices de la vie Chrétienne.

Un prêtre de notre mission, déjà ancienne, du Sud-Ouest, est venu ici et j’ai eu la consolation de le garder pendant plus de trois mois. A son départ pour rentrer dans la mission, je lui ai remis un grand nombre de lettres, et d’accord avec le P. Vice-Préfet, j’ai transmis, par son intermédiaire, les instructions nécessaires au plus grand bien de la mission.

La Mission du Gudru nous donne les plus consolantes espérances. Ce pays, vous le savez, est gouverné par le Prince Goscio, notre ancien élève et baptisé par nous. J’aurais voulu aller jusque là, car j’y suis [f. 2v] suis vivement désiré, mais le Roi du Chowa n’a pas consenti à me laisser partir. J’espère qu’à la fin il me laissera libre, autrement ce serait une triste affaire. Ces Princes Abyssins sont redoutables lorsqu’on les a pour ennemis, et lorsqu’on possède leur amitié, ils brouillent encore et contrarient l’œuvre de Dieu. Si j’avais pu me rendre au Gudru, j’aurais fait venir peu après le Père Vice Préfet; ainsi je l’aurais mis moi-même insensiblement en possession de l’administration, et j’aurais prévenu les complications qui pourront survenir après ma mort. D’ailleurs ma présence aurait donné un nou- /166/ vel élan de bien et fait avancer l’œuvre de Dieu. Si le Roi du [f. 3r] Chowa m’écoutait davantage, il y aurait une ample compensation, car ici il se ferait un plus grand bien. Mais le Roi est jeune; il donne une trop grande confiance à des personnages qui n’en sont pas dignes.

J’envoie ma bénédiction à nos Pères et Frères, ainsi qu’à nos chers enfants du Collège des Gallas à Marseille. Je vous embrasse dans les plaies sacrées de Jésus Crucifié, et vous prie de me croire

Votre tout dévoué frère en S. François

† Fr. Guillaume Massaia
Evêque Vic. Ap. des Gallas